Note préalable : Les récits qui suivent ont été rédigés à partir de cas réels. Cependant, certains éléments ont été simplifiés ou légèrement modifiés pour
faciliter la présentation du processus de concertation restauratrice en groupe et/ou garantir l’anonymat des personnes. Les prénoms sont, par ailleurs, fictifs.
Faits : Pierre (nom d’emprunt), 17 ans, commet, de nuit, diverses dégradations au sein des parties communes d’un immeuble à habitations sociales (tapage, pots de fleurs et mobilier renversés, vitre d’une porte brisée, extincteur vidé...). Cette même nuit, il vole une voiture.
Décision judiciaire : le jeune est laissé en famille. Le juge de la jeunesse propose, par ordonnance, une CRG.
Faisabilité : le jeune, sa mère et la société de logement marquent leur accord de principe pour la démarche. La propriétaire de la voiture n’adhère pas à la proposition. Le magistrat est donc informé de la faisabilité de la CRG avec la société de logement et de la non-faisabilité avec la seconde victime.
Au cours des entretiens menés tant avec le jeune et sa mère qu’avec la représentante de la société de logement, les répercussions des faits pour les locataires de l’immeuble sont évoquées. En effet, même si ceux-ci n’ont pas de préjudice financier à faire valoir, ils ont eu à subir d’autres conséquences (cadre de vie dégradé, sentiment d’insécurité...). Il est donc décidé d’inviter un représentant des locataires à la rencontre.
Rencontre : encadrée par 2 médiateurs, elle regroupe le jeune, sa mère, la représentante de la société de logement social, un représentant des locataires et un policier.
Après le rappel des faits par le policier, Madame A., la représentante de la société de logement, évoque le travail et les dépenses qu’occasionnent les réparations des dégradations commises, régulièrement, au sein des habitations sociales. Cet argent pourrait être investi à des fins plus utiles et les ouvriers de la société de logement pourraient se consacrer à des tâches plus intéressantes. En ce qui concerne les dégradations commises par Pierre, Madame A. demande le remboursement de la vitre brisée. Elle ne prend pas en compte le temps de travail des ouvriers pour la réparation et le nettoyage, mais explique que cela a aussi un coût important.
Pierre s’explique sur son comportement de cette nuit (alcool, énervement…). Il s’excuse et s’engage à rembourser lui-même, avec son salaire d’apprenti, le montant demandé par la société de logement.
Les locataires ont également été touchés. Le représentant des locataires explique à Pierre qu’il n’est pas agréable de découvrir le matin son lieu de vie détérioré, sans parler de la peur que le bruit de ses agissements a provoquée pendant la nuit chez les locataires de l’immeuble, en grande majorité des personnes âgées. Le jeune lui présente ses excuses. Il propose, également, de s’excuser auprès des autres locataires par l’intermédiaire d’une lettre qu’il rédigera à leur intention. Il s’engage, par ailleurs, à écrire une lettre d’excuses au directeur-gérant de la société de logement.
La réparation à la communauté est évoquée. Madame A. suggère que Pierre participe à un projet d’entretien et d’embellissement du quartier qui va être mis en œuvre par la société de logement. Pierre adhère d’emblée à ce projet.
Pierre, sa maman et sa petite sœur sont également locataires d’une maison appartenant à cette même société de logement victime des dégradations. La maman craint que le comportement de son fils ne leur fasse perdre ce logement. La représentante de la société la rassure à ce sujet.
La maman évoque ses difficultés à élever seule un adolescent. Pierre se dit conscient de certains débordements de comportement et dit regretter les soucis causés à sa maman et les préjudices occasionnés à autrui. Il prend l’engagement d’améliorer sa manière de se comporter. À travers ces changements, il espère parvenir à rassurer sa famille. De son côté, le policier, par ailleurs agent de quartier, propose son aide à Pierre et se dit disponible pour l’écouter et le conseiller en cas de besoin.
Exécution : Les engagements ont été respectés. Un exemplaire de la lettre à destination des habitants de l’immeuble a été distribué dans chacune des boites aux lettres. Les médiateurs ont joint les coordonnées du service à la lettre du jeune homme afin de laisser l’opportunité aux personnes d’y réagir. Quelques-unes l’ont fait, appréciant cette démarche qualifiée de constructive et, pour l’une d’elles, de rassurante.
Cette action vis-à-vis des locataires est venue compléter le remboursement des dégâts occasionnés, la participation de Pierre à une action de valorisation de son quartier, l’envoi d’une lettre au directeur-gérant, le respect de ses engagements sur le plan personnel…
Fait : deux mineurs d’âge ont braqué une station essence. Ils sont entrés masqués, ont menacé la caissière avec un couteau et se sont sauvés en emportant 750 euros et trois bouteilles d’alcool.
Réaction judiciaire : Michel, 15 ans, et John, 16 ans (prénoms d’emprunt), se voient proposer par leur juge une CRG après un placement d’un mois au centre fermé de Saint-Hubert. L’ordonnance souligne qu’ils se remettent en question. Le juge informe la victime de sa proposition de CRG par une simple lettre.
Faisabilité : les médiateurs mandatés invitent séparément les auteurs et la victime à les rencontrer. Tant auteurs que victime se présentent aux rendez-vous proposés et adhèrent au processus. Les auteurs regrettent amèrement leur comportement et souhaitent en faire part à la victime. Cette dernière exprime son angoisse à l’idée de les croiser en rue depuis la fin de leur placement. Elle voudrait être sûre qu’ils ont changé d’état d’esprit et n’ont pas l’intention de lui nuire.
La rencontre : elle se déroule dans une salle neutre et proche du domicile de la victime. Y participent les auteurs et leurs parents, la victime et son mari, le policier de la zone d’infraction ainsi que deux médiateurs.
Après le rappel des faits par le policier, la victime prend spontanément la parole : elle a récemment aperçu John en face de la pompe. Elle est très choquée, car il riait avec des copains. Elle demande à l’auteur s’il riait d’elle. John répond, tête basse, dans une attitude honteuse, qu’il n’en était rien. En fait, il ne l’avait même pas vue. Il se sent mal à l’aise quand il passe sur le lieu du fait et évite de jeter le moindre regard du côté de la pompe. Il s’agissait donc d’une fausse interprétation.
Le sentiment d’humiliation de la victime et ceux de honte des auteurs donnent une importante dimension émotionnelle à la rencontre. Toutes les personnes présentes y prennent une part active.
Un des auteurs reconnaît avoir eu le rôle plus actif au moment du braquage : il explique qu’il brandissait le couteau et qu’en croisant le regard de la victime, il s’était rendu compte du mal qu’il lui faisait. Il en est profondément désolé et lui en demande pardon. La victime, pour sa part, dit avoir pensé avec effroi à ses enfants qui se retrouveraient sans maman s’ils venaient à la tuer.
Le policier qui était également présent le jour de leur arrestation félicite les auteurs pour leur évolution positive. Il dit avoir à faire lors de la rencontre à des jeunes très différents. Toutefois, John déplore que ses professeurs conservent de lui une image négative et que ses condisciples voient en lui un « caïd » depuis son passage à l’école X.
Le débat porte alors sur la réparation à la communauté. Les mineurs manquent d’inspiration et proposent d’accomplir une tâche pour le parc communal. Cette suggestion semble trop « légère » au groupe et sans rapport avec le débat. Il faudrait « marquer le coup » ! Le groupe reprend le thème de la banalisation des faits par les condisciples, et l’idée d’une sensibilisation des élèves émerge. Les mineurs sont preneurs et se sentent capables d’assumer cette action positive qui confirmera plus globalement leur évolution personnelle. Il est convenu que des personnes du milieu scolaire des jeunes devront être contactées pour élaborer le projet.
La rencontre se clôture sur un accord ; chacun est soulagé. Les participants se quittent sur une poignée de main.
John revient au bureau accompagné de deux personnes-ressources : son professeur titulaire et un éducateur. Ils sont très intéressés par la démarche, vont soutenir le jeune et l’aider à concrétiser son projet de réparation.
Un accord et une déclaration d’intention consignant les engagements de chacun sont finalisés et envoyés aux juges titulaires (cf. documents en annexe).
Exécution : les attentes de la victime ont pu être rencontrées. Voir leur visage « à découvert » (qui était masqué au moment du braquage) a été salutaire. Elle estime qu’ils regrettent sincèrement ce qu’ils ont fait et pense qu’ils ne l’agresseront plus. Elle confirme qu’un des jeunes l’a saluée très poliment à plusieurs reprises comme prévu dans l’accord.
Au sujet de l’action de sensibilisation menée dans leur école : les jeunes ramènent un mot écrit de leur professeur, l’un d’eux nous apporte une liste de commentaires personnalisés et très positifs émis par les condisciples évoquant leur apprentissage.
Faits : en quelques semaines, plusieurs incendies volontaires sont commis au sein d’une même commune. Deux écoles en sont notamment les victimes. Les poubelles (containers) se trouvant dans la cour de la première et la salle de gymnastique de la seconde sont incendiées. Trois jeunes (17 ans) de la commune sont appréhendés.
Réaction judiciaire : Deux des jeunes font l’objet d’une mesure de placement en centre fermé. Le troisième est laissé en famille. Parallèlement, le juge de la jeunesse propose une concertation restauratrice en groupe dans les deux faits d’incendies dans les écoles.
Faisabilité : les médiateurs ont rencontré le jeune laissé en famille ainsi que ses parents. Ils ont d’emblée marqué leur intérêt pour la démarche. Les médiateurs ont rencontré le deuxième jeune à sa sortie du centre fermé en compagnie de sa maman. Ils ont également accepté le principe d’une CRG. Le placement du troisième jeune ayant été prolongé, c’est au centre fermé que les médiateurs l’ont rencontré une première fois. Un second rendez-vous a eu lieu à sa sortie. Il refuse de participer à la concertation. Seuls les responsables de l’école victime de l’incendie de poubelles ont adhéré à la démarche. Le représentant du second établissement scolaire refuse la proposition. Les médiateurs ont donc informé le magistrat de la faisabilité de la CRG entre deux des trois jeunes et l’une des deux écoles.
Au cours des entretiens, la sollicitation intempestive des pompiers et leur mise en danger ont plusieurs fois été évoquées. Il a ainsi été décidé d’inviter des représentants de ce service de secours à la rencontre.
Rencontre : encadrée par deux médiateurs, la rencontre de CRG regroupe les deux jeunes, l’un accompagné de ses parents, l’autre de sa mère et de son avocat (le jeune l’ayant désigné comme personne de soutien), le président du pouvoir organisateur et la directrice de l’école, le responsable du service d’incendie ainsi qu’un agent de la zone de police de la commune.
Après le rappel des faits par le policier, le président du P.O. et la directrice de l’école expliquent aux jeunes les conséquences de tels actes sur le quotidien de l’école tant sur le plan financier que moral. Il a été question des répercussions sur le personnel, mais surtout sur les élèves. En effet, même si le gros des dégâts avait été nettoyé, ce n’était pas évident pour de jeunes enfants de découvrir leur école vandalisée (murs noircis, plastique fondu…). Il a également été question du choc causé au concierge de l’école. C’est lui qui, en pleine nuit, a vu les poubelles flamber et a appelé les pompiers. Sans son intervention, le feu aurait pu se propager au bâtiment, avec des conséquences beaucoup plus graves.
La présence du responsable du service d’incendie permet de sensibiliser les jeunes à la gravité et aux conséquences effectives ou potentielles des faits. Il décrit les dangers que les jeunes avaient fait courir à d’éventuelles personnes présentes dans ou aux alentours du bâtiment, aux pompiers en intervention… mais il relève aussi la situation de danger dans laquelle ils s’étaient eux-mêmes mis ! Il explique également que lors d’un incendie, un certain effectif doit intervenir, ce qui pouvait mettre à mal d’autres interventions. À côté de sa fonction de rappel de la loi, le policier appuie les dires du pompier.
Les jeunes présentent leurs excuses aux différentes personnes présentes. Ils font part de la honte ressentie à la suite de leur interpellation et la stigmatisation dont ils se sont sentis les victimes au sein de leur quartier. En effet, les incendies ont généré un sentiment d’insécurité important chez les habitants de la commune. Les jeunes ont, par ailleurs, tenu à bien limiter leur implication dans les faits : d’autres incendies ont été commis dans lesquels ils n’avaient rien à voir.
Les parents ont évoqué leur incompréhension, leur déception, leur colère… face aux actes commis par leurs enfants. Ils se sont eux-mêmes dits très mal à l’aise face aux regards des habitants de la commune.
Au terme de la discussion, les jeunes prennent les engagements suivants :
– L’école avance un préjudice de 231,70 euros (franchise assurance incendie). Chacun des jeunes s’engage à rembourser la moitié de cette somme. De plus, les jeunes proposent de faire quelque chose de concret pour réparer l’acte commis. Cette proposition rencontre le souhait de l’école d’impliquer les jeunes dans un travail permettant d’améliorer le cadre de vie qu’ils avaient détérioré. Il est prévu que les jeunes participent à des travaux d’entretien des abords de l’école, ainsi qu’à la préparation de la fancy-fair. Les deux jeunes s’engagent à s’excuser par écrit auprès du personnel.
– Les jeunes expriment leur prise de conscience des multiples conséquences des faits : les dégâts pour l’école, le sentiment d’insécurité des habitants de la commune, la mise en danger des services de secours… En guise de réparation, ils proposent de réaliser un travail bénévole au profit des services d’incendie et de police intervenus sur les faits. Ils proposent également de présenter leurs excuses au Bourgmestre.
– Les jeunes s’engagent, sur le plan personnel, à poursuivre une scolarité régulière, éviter les situations à problèmes, faire un tri dans leurs fréquentations…
Exécution : les médiateurs informent le magistrat de la manière dont les jeunes se sont acquittés des engagements pris. Ils ont également servi de relais entre les personnes. Ils ont organisé la rencontre entre les jeunes et le Bourgmestre. Ce dernier a valorisé la démarche entreprise par les jeunes et a accepté leurs excuses au nom des habitants.
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Le Radian
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